Batna, c’est plus de 50 ans de ma vie
0Monsieur Alain PIC, aujourd’hui veuf, est un historien, témoin de plus de 50 ans de vie de l’Algérie et de son Église. Il a bien voulu partager avec tous, ce qu’il a vu, ce qu’il croit, ce qu’il vit.
R.S. : Que pouvons-nous savoir de vous ?
A.P. :Mon origine : Je suis Catalan, J’ai publié en 1988, un livre intitulé : « La Fontaine de Catalogne 1», qui a réactivé le thème de la Catalogne. J’ai fait mes études à Paris dans les années 1960 à Science-Po et à la Sorbonne, spécialité, histoire. J’ai eu Jacques CHIRAC comme Maître De Conférences. A la Sorbonne, mon mémoire a porté sur l’Afrique du Nord : «Vandales et Africains ».
R.S. :Comment vous vous êtes retrouvé à Batna ?
A.P. :En 1963, j’ai choisi la coopération avec l’Algérie. J’ai fait un an à Aïn Temouchent, mais je voulais mieux. J’ai demandé l’Aurès et je fus nommé à Batna en 1969. A Batna, je me marie le 24 décembre 1970 avec une « française batnaéenne ». Batna, c’est alors 50 ans de ma vie.
R.S. : Qu’avez-vous vécu à Batna avec l’entourage ?
A.P. :A Batna, j’ai toujours apprécié le rapport positif avec la majorité de la population, souvent francophone et pour l’essentiel, fidèle à ses racines, à sa langue propre, le « Tamazight ».
R.S. : Et avec la communauté chrétienne ?
A.P. :La communauté chrétienne au départ, est française, « Pieds-noirs » et Coopérants. Elle a connu plusieurs vagues : les Polonais, les Egyptiens. Depuis une vingtaine d’années, les Africains du Sud-Sahara, liés aux études universitaires. Pour nous, la paroisse à toujours été un lien de sympathie.
R.S. : En l’absence de votre épouse Yvette, de vénérée mémoire, Comment vivez-vous ? Qu’est-ce qui vous occupe ?
A.P. :Vous avez tout à fait raison d’évoquer, mon épouse vénérée. J’ajoute qu’elle n’est pas « absente ». Outre la paroisse, j’ai quelques amis Batnaéens, et pour m’occuper, je m’adonne à la rédaction de mon second livre : « Roumanie spirituelle ». Déjà j’en suis à 300 pages, soit la moitié.
R.S. : Qu’avez-vous à dire à l’Eglise d’Algérie ?
A.P. :Plutôt que de conseils, il s’agit de communiquer mon expérience à son égard. Les années 1990, pour si douloureuses qu’elles aient été, se sont révélées les plus instructives. Pourquoi les « 19 béatifiés » dont mon cousin Henri VERGES, Mariste qui fut le premier martyr, ont-ils été martyrisés dans l’Algérie de l’Ouest ? C’est parce que l’Algérie de l’Est a été du II ème au VII ème siècle, si fort christianisé qu’il ne vient plus à sa population, l’idée de tuer des chrétiens. Pour ces Algériens, Augustin est tout à fait intégré dans leur personnalité ethnique. C’est un des leurs. Et il n’y a pas eu que Augustin, il faut citer aussi Monique, Maximilien, Crispine… et pour la contrée qui m’est chère du côté de Constantine et de Lambèse, Les Saints Jacques, Marien et leurs Compagnons.
R.S. : Un dernier mot pour conclure ?
A.P. :Je reviens sur l’opposition de la question précédente. L’Algérie de l’Ouest a connu pendant trois ans, une persécution du christianisme. Elle ne venait pas du pouvoir politique, qui depuis 1965 était aux mains de l’Algérie de l’Ouest. Dès 1996, cette persécution a cessé c’est vrai, mais à partir de 1999, le pouvoir politique s’est appuyé sur l’Ouest. Il n’a certes pas versé dans le fanatisme, mais il a perdu en consensus. C’est une des causes de l’actuel « dialogue de sourds » en Algérie.
Propos recueillis par
Rosalie SANON, SAB