Amar Laggoun. Figure du 1er Novembre 1954 à Arris : Un ami d’enfance et de combat de Mostefa Benboulaïd

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Amar Laggoun est né le 11 octobre 1925 à Oued Labiodh, à Arris. Fils unique d’un pauvre agriculteur vétéran de la guerre de Sébastopol et de la Première Guerre mondiale, exécuté puis brûlé par l’armée coloniale le 18 août 1955 en représailles es des attentats des moudjahidine : «J’ai été scolarisé quelque temps à l’école primaire d’Arris.

J’y passais 2 heures la matinée ; l’après-midi, pour aider mes parents, je faisais manœuvre dans le chantier du jardin de l’école, maniant pelle et pioche. Je ne tardais pas à quitter l’école. Fils unique, il me revenait la lourde responsabilité d’aider mes parents…».

Ami d’enfance de Mostefa Benboulaïd dont la demeure parentale jouxte la sienne, Laggoun Amar aime à évoquer les parties de chasse avec cette illustre figure de la Révolution armée des Aurès. «Benboulaïd était un chasseur expert de perdrix.» En 1948, Laggoun Amar a 23 ans. Il forme, dans son village natal, la première cellule du MTLD avec l’aide de Amar Benouada et Rabah Bitat. Après la création de l’OS (Organisation secrète de la branche armée du MTLD) puis son démantèlement, le même groupe change de stratégie et veille uniquement sur la sécurité de ses militants recherchés.

De 1949 à 1951, Amar Laggoun se charge d’équiper les premiers maquis en armes : «Les armes étaient achetées de Libye, des fusils de marques allemande et italienne, des Stati à six coups. Les munitions nous étaient comptées au décalitre». De 1949 à juillet 1954, Amar est en France, à Maubeuge, sur la frontière belge. Il est employé à Usinor, une usine de chemin de fer, spécialisée dans la fabrication des wagons-restaurants : «C’est là que mon ami d’enfance Mostefa Benboulaïd est venu me voir, je m’en souviens, le 12 juillet 1954. Il était de retour d’une rencontre avec Messali Hadj en Belgique.

Le lendemain, j’ai réuni tous les compatriotes ouvriers, membres actifs du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Mostefa nous a tenu un discours au cours duquel il nous avait annoncé que Messali Hadj n’était plus de notre cause et que, désormais, les cotisations ne seraient plus sous sa responsabilité. Le 13 juillet, après son discours, nous l’accompagnâmes à Paris, Kabachi, Ben Aya Brahim et moi-même.

A Paris, outre la surveillance policière, les éléments messalistes grouillaient dans les cafés maghrébins. (Ces propos, certes, sont à situer dans le contexte de la crise et de la scission entre le PPA et le MTLD qui avait désormais sa branche armée, l’OS ; une crise qui voit la naissance du CRUA.) Mostefa Benboulaïd a dû déjouer la traque de policiers en civil en se séparant de nous pour quelques heures.

Le même jour, il rencontra Mohamed Boudiaf. Le 14 juillet, fête nationale française, nous restâmes planqués. Le soir, Mostefa Benboulaïd reçut des militants restés au pays une missive urgente. On lui intimait l’ordre de rentrer le plus tôt possible. Nous regagnâmes le pays et nous passâmes les derniers jours de septembre à Arris où nous nous préparâmes à prendre le maquis avant le jour J».

Amar Laggoun raconte cet épisode avec beaucoup d’humour, sans gloriole, en insistant sur le fait qu’il était sorti de la maison tôt le matin comme pour revenir le soir même, sans aucun viatique : «Nous étions sept pauvres paysans et nous ne nous connaissions pas.

Avec moi, il y avait Benboulaïd Omar, frère de Mostefa, Benboulaïd Mohamed, un de ses cousins, Bellil Belkacem, Maâfi Hocine et Beldi Mohamed. Nous n’avions aucun ravitaillement et aucune direction à prendre sinon rejoindre la montagne. Nous ne savions même pas où se trouvaient les autres groupes de Mostefa Benboulaïd. Mais les liaisons furent assez rapidement établies.

Mon groupe rejoignit la région d’Ichemmoul où avait pris position Mostefa Benboulaïd. Il nous affecta à Biskra, dans le secteur de M’chouneche où nous rejoignîmes une autre section sous la responsabilité de Berrahayel Hocine avec Gada Ahmed.» C’est dans cette région que Laggoun Amar commet son premier attentat contre… une ambulance : «Je suis resté avec Gada Ahmed. A 40 km de Biskra, nous attaquâmes de nuit une ambulance sans faire de victime.»

Janvier 1955 : les munitions étaient rares et les liaisons difficiles à établir : «Il nous fallait marcher plus de 15 km à pied pour établir un contact avec un groupe.

Notre katiba ne disposait que de 1000 cartouches et un seul maquisard possédait un fusil neuf.» En 1956, Mostefa Benboulaïd s’échappe de la prison de Constantine et rejoint le Djebel Oustili. Il a été reçu par l’officier Laïfa Mohamed de Skikda : «J’y étais avec Chihani Bachir. Je me souviens que Benboulaïd nous a observés, scrutés des pieds à la tête. Nous étions habillés de kachabia. Nous lui fîmes une belle démonstration de nos officiers de l’ALN. Malheureusement, Mostefa Benboulaïd tombe en chahid durant la bataille d’Ifri Lbelh en manipulant un poste émetteur piégé par l’ennemi. L’explosion a fait d’autres victimes : Baâli Ali et Benboulaïd Ahmed…».

Amar Laggoun ne prend aucune sévérité dans le propos de ses souvenirs, toujours égal à lui-même, sans grandiloquence aucune : «Dix mois après, je fus affecté à Arris comme adjoint de la Nahya et en 1956, j’y ai été gradé sous-lieutenant. Sous ce grade, une année après, en 1957, je fis partie de la colonne du commandant Hadj Lakhdar, dans la zone du mont Chelia.

C’est là que j’appris qu’une délégation d’officiers de l’Aurès n’a pas pu assister au Congrès de la Soummam du 20 août 1956. C’est alors qu’en février 1957, je fis partie d’un groupe émissaires qui devait se rendre dans la vallée de la Soummam. Le colonel Amirouche nous dépêcha des combattants aguerris pour nous aider à traverser l’oued Soummam alors en crue. Parmi eux, j’ai eu le bonheur de connaître Abdelkader Azil, un vrai baroudeur.

Notre mission était de nous informer des décisions du Congrès.» La mission a duré 29 jours : «Nous ramenâmes avec nous des lots de médicaments dont nous avions grand besoin aux Aurès.» Concernant la venue du colonel Amirouche dans les Aurès, la même année, Amar Laggoun va droit au but : «Sa mission à Aïn Touta était de nous informer de vive voix des décisions du Congrès de la Soummam.

Nous étions fiers de lui, d’autant qu’il a su déjouer le traquenard de l’affaire Adjoul Adjoul.» L’ascension de Amar Laggoun dans la hiérarchie de l’ALN est fulgurante. En 1958, il est nommé représentant des Aurès Nememcha wilaya I auprès du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en Tunisie : «Je supervisais l’acheminement des armes via le Djebel Boutaleb à partir des bases de Tala Tazerourt et de Tozzar.

La même année, je me suis marié avec une militante de la base de l’Est, côté Souk Ahras. Depuis, j’eus avec elle 7 filles et 5 garçons…». Le reste est une autre histoire. Amar Laggoun nous a quittés le 12 octobre 2019 à Batna à l’âge de 92 ans.

Azzedine Guerfi

octobre 31, 2019 |

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