Le Groupe Iwal Chante les Aurès à Alger

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Ils jouent de la guitare folk et de l’harmonica et composent de superbes ballades qui vous font voyager dans le temps, à travers ce merveilleux, profond et beau pays chaoui.

Une beauté dans toute sa diversité naturelle, faite de plaines verdoyantes, de montagnes enneigées et de canyons brûlés par le souffle trop proche du désert et sur les falaises desquelles s’accrochent des villages de pierre qui ont dû voir passer l’Aguellid Massinissa sur un char tiré par des chevaux bardes. Ils nous viennent de Tkout, la rebelle, et sont un peu à la chanson chaouie ce que le couple Bob Dylan-Joan Baez est pour la protest song.

Un magnifique duo sur scène, mari et femme dans la vie, et Nesrine et Fayssal Achoura son les deux membres fondateurs du groupe Iwal et ils sont en train de redonner un nouveau souffle à ce rock-folk des Aurès, qu’on a appris à aimer avec Nouari Nezar et les Berbères et qui en a bien besoin. Ce jeudi 31 janvier 2019, et c’est une première, le groupe se produit à l’Opéra d’Alger. Le spectacle s’appelle «Le groupe Iwal chante les Aurès à Alger». Pour cette petite formation familiale qui monte doucement mais sûrement, c’est une consécration que de se produire sur une scène aussi prestigieuse que l’Opéra d’Alger.

«A nos débuts, on avait commencé à chanter entre amis lors des sorties, bivouacs et excursions qu’on organisait. Puis, on a commencé à nous approprier et à adapter à notre façon des chansons du patrimoine amazigh», raconte Fayssal. C’est ainsi qu’est né leur style particulier, mélange de plusieurs influences amazighes matinées d’unversel. Après les petites fêtes entre amis, le duo monte sur scène pour la première fois en 2014. Ils assurent la première partie de la diva de la chanson chaouie, Dihya, de retour au théâtre de Batna après un exil de 30 ans.

«Cela nous a encouragés à aller plus loin», raconte Fayssal. Et comme l’appétit vient en chantant, ils remontent très vite sur scène pour accompagner le pionnier, Nouari Nezar, en tant que musiciens, mais également pour chanter en tant que groupe. «Après, on s’est lancé avec Messaoud Nedjahi avec l’événement ‘‘Iwal’’, en hommage au Dr Naziha Ould Hamouda, qui avait un formidable travail d’anthropologie sur les femmes chaouies.

En parallèle, nous avons reçu la première invitation pour nous produire à Tizi Ouzou avec le groupe Debza. Depuis, les scènes se sont enchaînées, notamment en Kabylie, où le groupe commence à se tailler une petite réputation», dit encore Fayssal. Cependant, le vrai coup de pouce viendra du Festival Raconte-arts. C’est l’édition de 2017 qui a lieu au village Ath Ouabane qui les fera connaître au grand public, mais c’est déjà l’heure de la maturité et de la diversification.

Le groupe passe de la chanson au théâtre, et même au carnaval. Plus qu’un groupe, «Iwal» se veut un mouvement artistique. «C’est surtout une école informelle», précise Fayssal. Mais d’abord que veut dire «Iwal» au juste ? «Cela vient de l’expression chaouie ‘‘imal d iwal’’, qui signifie ‘‘l’infini plein d’espoir’’», dit Fayssal.

En chaoui, le mot iwal est également proche de aywal, qui désigne cet arbre séculaire qu’est le genévrier thurifère. Cet arbre, que l’on retrouve sur les hauteurs de Tkout en grand nombre, symbolise la longévité, la résistance et l’enracinement. Tout un symbole qui enchante les deux membres de la formation. Avec un répertoire d’une trentaine de chansons, entre leurs propres compositions et celles des autres, le groupe n’a toujours pas de CD sur le marché.

Un manque largement compensé par les réseaux sociaux, qui ont aujourd’hui supplanté les circuits traditionnels du disque, mais il n’en demeure pas moins que cette étape est incontournable pour tout groupe qui se respecte. «Nous sommes surtout un groupe de scène, mais nous n’avons pas encore trouvé de studio satisfaisant qui puisse nous assurer le son dont on rêve. Nous avons fait plusieurs tentatives d’enregistrement, mais aucune n’a abouti, cependant on ne désespère pas de trouver répons à nos exigences», raconte Fayssal.

En attendant, le groupe tente tant bien que mal de trouver un équilibre précaire entre vie de famille et carrière artistique. «C’est très difficile. L’artiste n’a pas de statut dans notre pays, donc il est pratiquement impossible de vivre de son art. Il faut assurer l’équilibre entre les contraintes de la vie quotidienne et les exigences de l’art», dit encore fayssal.

Pour survivre, notre chanteur, qui est informaticien, gère un cybercafé dans sa vie natale, Tkout. Quant à Nesrine, licenciée en anglais, elle a dû tirer un trait sur la carrière de professeur à laquelle elle se destinait. En tout cas, depuis son irruption sur la scène artistique le groupe fait un point d’honneur à ce que son auditoire soit mixte.

Une vraie révolution dans les douars chaouis, où les femmes sortent rarement, pour ne pas dire jamais. «Nous avons cassé ce tabou. Nous exigeons que le public soit mixte là où le groupe se produit. Cela fait partie de notre philosophie. Notre projet est aussi de faire évoluer les mentalités», dit-il. Il faut dire que cela semble marcher. La preuve, deux autres groupes de musique mixtes ont pris la relève.

Ce qui fait dire à Fayssal: «Je suis optimiste. Notre démarche commence à donner ses fruits.» C’est tout cela et plus encore, cette musique faite de traditions et de modernité qui fait l’originalité d’’’Iwal’’. Un groupe à suivre de près, tant il promet. Nul doute que tous les amoureux des Aurès qui feront le déplacement à l’Opéra d’Alger passeront une très belle soirée.

Source: DJAMEL ALILAT

janvier 29, 2019 |

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